Extrait - Un jour sans toi
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Prologue
Je nʼétais pas prêt à tʼaimer autant.
Je lʼétais encore moins à devoir apprendre à vivre sans toi.
Ta fougue a révélé en moi quelquʼun que je ne connaissais pas.
Désormais, le silence a pris la place de ton rire.
Le bip, le son de ton cœur.
Et les machines, ton sourire.
Ça fait cent soixante-dix jours que je tʼécris.
Je nʼai pas loupé une seule journée.
Cette chambre dʼhôpital a remplacé notre petit loft new-yorkais.
Cent soixante-dix jours que jʼespère un clignement, un souffle, un signe.
Je refuse de croire les médecins quand ils parlent de miracle.
Je refuse de tʼabandonner à lʼoubli.
Je suis là, chaque jour.
Je tʼécris pour que tu ne mʼoublies pas.
Ou peut-être... pour ne pas mʼoublier moi-
même.
Je ne sais plus si je fais ça pour toi ou pour moi.
Peut-être que cʼest pareil, finalement.
On est le 10 juin, et pour la cent soixante-dixième fois, je te souhaite une bonne nuit, Dan.
Je tʼaime. Encore.
̶ Kyle
CHAPITRE 1 - Le gout de l’absence
Je l’ai embrassé. Ce n’est pas Dan. Il n’a pas ses yeux ni son odeur. Pas sa façon de me frôler, comme s’il avait peur de me casser. Il m’embrasse comme on s’excuse. Un goût amer, celui d’une première fois ratée. Et moi, je le laisse faire.
La pièce est petite. Le lit sent l’alcool et l’humidité. Et je ne connais même pas son prénom. Il a dû me le dire entre deux verres.
Il pense que je suis là pour lui, que c’est une nuit comme une autre. Il ne sait pas que je suis en train de mourir à petit feu à l’intérieur. Que chaque mouvement me rappelle un autre corps. Une autre odeur. Une autre chaleur. Une autre vie.
Je ferme les yeux. Pendant un quart de seconde, je me laisse porter. Je laisse mon esprit aller où il veut, ou il est encore.
— Tu fais la tête, beau gosse ? T’as du mal à te remettre d’hier soir ? dit l’inconnu.
Aucun mot ne veut sortir de ma bouche. Je sens sa main sous le drap blanc, taché de la nuit, glisser sur mon torse. Il se dirige doucement vers mon sexe.
Son odeur n’est pas celle de Dan. Son haleine non plus. Il pense pouvoir me chauffer avec tendresse, mais ce n’est pas lui. Et ses gestes sont plus bruts, plus directifs.
Son corps musclé transpire le mannequin californien : cheveux bouclés, brun, typé latino, yeux marron. Le type de mec qu’il détestait, parce que ça le mettait face à son propre inconfort physique et morphologique.
Il descend doucement sous le drap. Il prend mon silence et mon inaction pour une approbation. Je le laisse faire. J’inspire longuement. Et je me laisse porter par mon imagination. Celle qui m’amène à lui. À son visage.
Je fais du « tronche-tringlé » – comme dans ce film qu’on a vu. Le fait d’imaginer une personne pendant un moment intime pour ressentir l’excitation.
Je le vois. J’arrive à sentir son odeur. Je sens sa chaleur contre mon corps. Une main qui me serre la fesse, l’autre qui glisse sur mon cou.
Je le vois aussi dans son lit d’hôpital, tubé de partout. Les bips des machines prennent le dessus sur son souffle. Et j’ai cette image du scooter qui roule à toute vit...